Quand Raoul Moulier fonde la Fédération des Amicales du Cantal en 1950, avec ses amis Camille Julhès et Jean Sarret, il a déjà derrière lui un long passé amicaliste. Il avait fondé la « Sumène », association brillante et rapidement célébrée pour ses banquets, où l’amitié, le bon goût et le folklore étaient cultivés. A l’origine de cette fibre amicaliste spontanée chez Raoul Moulier, qui l’habita toute sa vie : l’amour du pays, de la petite patrie comme on disait alors, et bien sûr, l’exil, rendant sans doute l’attachement au pays encore plus fort. Ces Auvergnats de l’extérieur, partis pour beaucoup d’entre eux par nécessité, pour d’autres par opportunité, pour certains par volonté, restèrent tous, au fond de leur cœur et de leur âme, profondément enracinés dans notre région à laquelle les familles, les souvenirs d’enfance et le souvenir des ancêtres les rattachaient puissamment.
Il y avait une autre chose qui rassemblait ces hommes, c’était l’amour de la France, la grande patrie, pour laquelle la génération de Raoul avait combattu lors des deux guerres mondiales, comme ce fut précisément son cas. Raoul était né en 1895 à Sauvat (Cantal). Il avait fait de brillantes études au lycée Emile Duclaux d’Aurillac (seul lycée du Cantal à cette époque!), où il rencontra alors de nombreux amis avec lesquels il resta lié toute sa vie, dont Hector Peschaud et Robert Garric. Mobilisé dans l’infanterie à 19 ans, il rejoignit le front en 1915. Combattant courageux, il fut de toutes les grandes batailles: Champagne, Verdun, Yser. En 1916, alors caporal, il fut grièvement blessé à Rancourt, lors de la bataille de la Somme. Rétabli, il remonta aux premières lignes où il gravit au feu tous les grades. Il termina la guerre comme lieutenant, trois fois cité. Il sera fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1928 à titre militaire. En 1939, à nouveau mobilisé comme réserviste, il combattit en 1940 dans la forêt de la Warndt (Moselle) et vécut la défaite comme la pire épreuve de l’histoire de notre pays qu’il aimait tant.
Raoul Moulier fit également une brillante carrière administrative. Receveur de l’Enregistrement après la première guerre, il exerça ses fonctions dans différentes villes, Vallerangues (Gard), Limoges, Chaumont, puis comme Inspecteur à Chateauroux (Indre). C’est là qu’il commença , durant l’entre-deux-guerres, à réunir ses compatriotes, au sein de l’ « Amicale des enfants du Massif Central » qu’il fonda et qui promouvait déjà le folklore d’Auvergne. Promu directeur de l’enregistrement à Paris en 1945, il poursuivra sa carrière de haut fonctionnaire des finances jusqu’à sa retraite en 1960.
Ce que Raoul tenait particulièrement à développer dans ces amicales, c’était l’esprit d’entraide.
L’oeuvre sociale voisinait naturellement l’oeuvre culturelle, régionaliste et patriote. Ces différentes amicales ont d’emblée rassemblé l’état-major des émigrés de Paris et les plus humbles de nos compatriotes. Raoul Moulier était attentif à ceux qui traversaient des difficultés et savait solliciter l’aide de tous à leur profit. Sa rondeur et sa diplomatie aussi habile que naturelle étaient au service de l’esprit d’union qu’il voulait par dessus tout entretenir entre amicaliste qui lui reconnaissait la rectitude du jugement et la noblesse du sentiment du parfait honnête homme.
La génération de Raoul Moulier vécut la victoire la plus éclatante et la défaite la plus terrible de toute notre histoire. Ceci fut aussi déterminant que tragique pour des hommes comme Roul Moulier et ses amis qui avaient le sens de l’histoire, du bien commun et une haute culture. Leur amour pour la France fut évidemment aussi puissant qu’il devint désespéré. La petite patrie devait rester pour chacun d’entre eux un idéal de bonheur et de simplicité ne devant pas mentir dans un siècle aussi brutal et à l’histoire mouvementée. Un projet bien plus qu’un refuge pour cette génération d’action, qui nous oblige et porte aujourd’hui encore son œuvre sociale et culturelle, peut-être plus nécessaire que jamais.
Raoul Moulier mourut en 1969. Il est enterré dans le Cantal, auprès de ses parents, dans le cimetière de Sauvat, la commune qui l’avait vu naître. Une plaque de la Fédération des Amicales du Cantal, déposée sur sa tombe, rend hommage à son président fondateur
Philippe Moulier Décembre 2019